D’aussi loin
que je me souvienne, je me rappelle des dimanches après-midi aux couvents, où
ma famille et moi visitions mes trois tantes religieuses, ainsi qu’à
l’archevêché pour nous attirer les bonnes grâces de mon oncle archevêque.
D’interminables périodes s’ensuivaient à scruter les murs beiges, à m’inventer
des aventures peuplées de saints, de martyrs et d’affreux démons que mon
imagination faisait littéralement sortir des cadres dorés, où ils se trouvaient
prisonniers. Tout l’univers de ma mère, orpheline élevée dès son jeune âge par
les religieuses, était régi par les préceptes de la religion catholique et
c’est en conformité à la cette liturgie qu’elle entreprit de nous éduquer, mon
frère et moi.
J’ai des
souvenirs précis d’avoir dû interrompre mes jeux avec mes amis, pour aller
réciter le chapelet agenouillé dans le salon à côté de la radio; d’avoir
visiter un grand nombre de lieux de pèlerinage du Québec et d’avoir servi des
messes à gogo avec mon grand frère. Ce n’est qu’à l’âge de 13 ans que
j’ai commencé à prendre conscience que ces dogmes étaient à bien des égards
étrangers à mes convictions et à ma vision nouvelle du monde. Je commençai
alors à faire l’église buissonnière, encore incapable d’assumer
ouvertement les répercussions d’une telle dissidence. À 14 ans, je pris mes
premiers cours de photographie et l’art est devenu pour moi un outils
d’extériorisation et de rébellion…
J’ai longtemps
cru avoir mis de côté l’emprise de la religion sur ma vie, jusqu’à récemment,
où j’ai réalisé que la plupart de mes images étaient truffées d’allusions, de
présences et de symbolisme religieux; que ce soit par la présence de rituels,
de signes ou par la fascination que j’éprouve envers les lieux de culte de toutes
allégeances. Sans doute est-ce là une forme de catharsis des moments troubles
de mon enfance, un exorcisme face à ce conditionnement si puissant de mes
fondations.